1 Août 2012
Aujourd'hui je suis de chronique pour le site de la FFCT pour l'étape du jour, je fais donc d'une pierre deux coups. Le style est un peu différent du style habituel et les photos insérées sont les miennes.
C’est aujourd’hui lundi, lendemain de la journée de repos à Vidin en Bulgarie. Avant d’en venir au corps du sujet que constitue cette étape 104 qui va nous amener de Vidin à Orsova en Roumanie il me paraît important de vous parler de Vidin.
Vidin était certainement il y a quelques dizaines d’années encore une ville prospère de par l’activité de son port sur le Danube et d’une importante usine de pneumatiques. Le long du Danube subsiste un système de protection anti-crues comprenant un fossé bétonné recouvert de lourdes plaques métalliques qui, relevées par deux vérins chacune, rehausse ainsi le niveau de la berge et protège la ville des inondations. Ce système paraît aujourd’hui tombé en désuétude et serait donc inutilisable en cas de besoin.
En se promenant dans la ville, à l’évidence la population est en décroissance. Des immeubles sont vétustes et beaucoup d’appartements et maisons sont inoccupés. Des voitures « épaves » stationnent dans les rues. La population croisée est plutôt clairsemée et la jeunesse rarissime. Après quelques recherches et selon des études statistiques datant de 2011, « la municipalité de Vidin serait la plus pauvre en Europe, à la tête d'une région de Bulgarie de nord-ouest classée comme la plus en retard économiquement en Union Européenne, avec un produit intérieur brut équivalent à 28% de la moyenne européenne », voilà pour les amateurs de chiffres.
Cependant il est agréable d’y flâner, Vidin est dotée d’un parc arboré jouxtant le Danube ce qui rend la promenade très agréable notamment avec la chaleur estivale de ce week-end de fin juillet. En centre-ville de nombreux petits commerces, fermés le samedi après-midi et dimanche, ont aidé aussi à rendre cette journée de repos… reposante.
Donc, ce matin lever aux aurores pour un départ à 7 heures afin de franchir le poste de douane bulgare et prendre le ferry-boat pour passer sur l’autre rive côté Roumanie. Au briefing du départ, Michel Cabart nous informe du départ de notre ami chinois Jie Wu consécutif à une mauvaise chute vendredi dernier suite à un dérapage dans un virage où du sable s’était accumulé. Peut-être le reverrons-nous à Londres pour la fin de notre expédition ?
Moins d’une dizaine de kilomètres suffisent pour nous amener au poste de douane bulgare pour sortir du pays après avoir présenté, par groupes de dix, nos passeports. Pendant ce temps, le ferry s’est éclipsé sur l’autre rive et il nous faut attendre qu’il revienne pour passer en Roumanie à nouveau. A l’horizon, un pont est en construction sur le Danube : les piles sont construites, les tabliers et les haubans de suspension sont en cours de pose. Si l’éventuelle prochaine expédition passe à Vidin l’attente du ferry fera partie du passé… mais aussi le charme que représente ce passage sur l’eau.
Vous l’avez compris, le vrai départ a lieu à Calafat à la descente du ferry, il est 10h30, il reste 120 km avec un profil d’étape présentant quelques montées. La chaleur des jours précédents est un peu moins agressive pour les organismes. La traversée de la ville nous montre une ville plus « vivante » : plus de passants, la rue que nous remontons est en travaux…
Jusqu’à maintenant, le vent paraît inoffensif, puis il nous faut bifurquer à gauche pour remonter vers le nord afin de rejoindre Orsova et là Eole n’est plus à souffler gentiment sur la queue du peloton des cyclos mais nous envoie un petit souffle presque de face… Chacun s’applique donc à rester bien à l’abri pour bénéficier au maximum de sa protection.
Depuis ce matin, dans le peloton, le silence est de rigueur. Lors des journées de repos, chacun étudie le road book jusqu’à la prochaine journée sans vélo et il n’a échappé à personne qu’il y avait 8 étapes et 1 025 km pour rejoindre Vienne le 6 août en après-midi. Je retrouve ainsi l’ambiance des lundis matins où après la coupure du week-end il faut se motiver pour enchainer sur une nouvelle semaine. La prévision d’arriver après 18 heures ce soir fait qu’il y a peu d’arrêts « cafés-épiceries » où les habitués aiment à prendre un quart d’heure pour se réhydrater ou manger un petit encas tel le yaourt bulgare qui est aujourd’hui à la mode.
Nous traversons quelques villages avec des maisons anciennes typiques pour la région présentant de multiples décrochés de façades et de toits recouverts de tuiles plates à écailles. Les pruniers donnent leurs derniers fruits et l’heure tardive n’est pas propice pour les gourmands.
La circulation est largement supportable. De part et d’autre de la route de larges étendues, plus ou moins cultivées, s’offrent à nos yeux… Sur la droite surgit tout d’un coup une scène insolite représentée par une clôture de piquets en bois longeant la route en retrait d’une cinquantaine de mètres et sur lesquels sont perchés des oiseaux. Selon Henri Leroux, notre spécialiste (entre autres) en ornithologie, il s’agit de corneilles mantelées (tête, ailes et queue noires alors que le reste du corps est gris) qui ont chacune pris possession d’un piquet comme perchoir pour se reposer.
L’heure de midi étant passée, chacun s’essaye à dénicher le camion frigo symbole du pique-nique. Une chemise bleue apparaît bientôt et nous invite sur une rue perpendiculaire où est stationné le fameux camion.
Lionel et Jean-Claude s’activent à finition de la préparation des barquettes de salades qui vont constituer l’essentiel de notre repas. Un riverain nous proposera ensuite quelques tomates de son jardin.
Le pique-nique est vite avalé, tant pour sa consistance que pour les kilomètres qui reste à parcourir car nous n’en sommes qu’au km 50 et il en reste donc 80 quand on repart !
La circulation s’intensifie peu à peu et on retrouve le beau Danube… Les paysages en deviennent plus attrayants et propices à quelques photos. Nous contournons la petite ville de Simian par une rocade au grand dépit des amateurs de cafés-épiceries qui se voient là privés du charme de leur arrêt dégustation principal de l’après-midi. Sur notre droite, de lourds nuages et des coups de tonnerre nous font appuyer plus fort sur les pédales et nous pressent de nous éloigner au plus vite. Encore une fois on échappera à la pluie.
La route est maintenant tout au bord du Danube et la file indienne s’impose. Sur l’autre rive, en Serbie, la circulation paraît plus calme. Enfin nous atteignons Orsova pour rejoindre notre gymnase d’une nuit dans lequel nous allons bien vite installer nos lits de camps et matelas, enlever la sueur de la journée au plus vite et se restaurer avant de sombrer dans les bras de Morphée car demain 150 km nous attendent dont 100 à longer le Danube avec des paysages à couper le souffle nous dit-on...